Ajouté le 10 mars 2006
Cela pourrait commencer ainsi : « il était une fois… » Car comme dans tous les contes de fée une bonne marraine se pencha sur mon berceau ce dimanche 4 juin 1961. Elle a toujours été là, m’emmenant avec elle au théâtre, au cirque, dans les salons de thé… Elle confectionnait pour ma poupée une garde robe digne d’une princesse. Elle m’émerveillait de son talent de conteuse. Lorsqu’elle me racontait l’histoire de la Belle et la Bête, elle y mettait tant de magie que je ne me lassais jamais de l’écouter. Tout comme sa sœur cadette, elle raffolait de l’opéra et des opérettes. Elles nous emmenaient ma sœur et moi assister à « La Belle Hélène », « Les cloches de Cornevilles », « Faust »... Je me souviens des fauteuils cramoisis, des balcons ouvragés, de l’orchestre qui accordait ses instruments pendant que les spectateurs s’installaient… Puis le lourd rideau rouge qui se levait sur un décor champêtre, le silence ponctué par un raclement de gorge et enfin la musique, les chants et les costumes d’apparat ! Nos tantes nous chuchotaient l’histoire à voix basse car il vrai que nous ne comprenions pas grand-chose mais le charme était déjà là.
Le spectacle, c’est un peu ce que je garde de mes souvenirs d’enfance. Dans sa jeunesse, mon grand-père avait travaillé dans un cirque. Il était le clown « Gégé », l’ « Auguste » celui qui n’arrête pas d’ennuyer son copain le « clown blanc ». Il participait à tous les carnavals de la ville. Je n’ai pas connu sa femme, ma grand-mère paternelle, mais je sais qu’elle peignait un peu et jouait de la mandoline. Mon grand-père maternel était accordéoniste à ses heures, mes oncles aussi, tandis que ma grand-mère chantait avec ou sans ses filles.
Autres spectacles mémorables, les matches de foot en famille. Moment inoubliable que celui où oncles, tantes, copains, frères et sœurs, on s’asseyait sur les gradins du stade, tremblant jusqu’au sifflet final pour les couleurs du club. C’était la grande époque des Nantes-St Etienne, et des lendemains où chacun refaisait le match !
Et puis il y avait tous ces pays étrangers qui peuplaient notre imagination. Mon père, ancien marin de carrière, avait navigué quatorze ans avant de rentrer définitivement au port. On savait qu’il avait fait le tour du monde, dont deux fois sur la « Jeanne » bateau mythique de la marine française. Il avait aussi fait l’Indochine. Mais de ça il en parlait rarement. Il préférait évoquer Papeete, Bora Bora ou encore le Japon, pays dont il garda toujours la nostalgie. A la maison il y avait une photo de la « Jeanne » quittant les îles, saluée par de jeunes et belles vahinés évoquant pour nous, les terres lointaines. Mes frères aînés imitèrent le père et embarquèrent à leur tour sur les mers. A chaque escale nous recherchions sur le globe le pays où ils avaient accosté. Nous recevions régulièrement de jolies cartes postales aux beaux timbres colorés. Des noms magiques venaient résonner à nos oreilles : Le Cap, Diego Suarez, Djibouti, Dakar, Les Marquises… Le moment le plus intense : celui où nous allions les chercher à la gare et qu’ils apparaissaient en bas des marches, les yeux remplis d’air du large. L’autre moment, celui de la grande malle qui arrivait quelques jours après et que l’on savait remplie de cadeaux : poupées, châles, coquillages, souvenirs de ces pays lointains !
Dès que j’ai su lire et tenir un crayon, j’ai compris que c’était pour moi. Mes premiers gribouillages furent sur des cahiers à gros carreaux. Puis il y a eu mes premiers pas sur les planches. C’était au spectacle de noël de l’école et là j’ai décidé de devenir comédienne. A 12 ans,avec ma soeur, nous avons voulu monter notre propre spectacle. Le projet n’a pas abouti malgré toute l’ardeur dépensée. Je crois que ce fut ma première vraie grosse déception et la fin de ma carrière théâtrale. Je suis retournée à l’écriture mais à la maison ce n’était pas vraiment sérieux. Artiste oui, mais après le travail ! Il valait mieux passer son bac pour avoir un « vrai métier ». J’ai donc fini par tout ranger dans une petite valise que j’ai traîné des années avec moi sans jamais l’ouvrir mais sans me résoudre à l’abandonner.
Le bac en poche et dans la foulée un concours administratif, je suis partie pour Paris où je fondai une famille. Après treize ans de vie parisienne nous avons voulu goûter au charme de la campagne et nous sommes venus nous installer dans le Berry.
Quelques années se sont encore écoulées avant que la « crise de la quarantaine » ne réveille mes « vieux démons ». Je les entendais au fond du placard, dans la petite valise noire. Elle ne m’avait pas quitté, gardant précieusement mes feuilles, mes cahiers, mes crayons et mes couleurs… Mais pour moi c’était encore trop tôt. A la retraite sûrement! Pourtant…
Paul Eluard a écrit : « Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous ». Il était temps d’ouvrir mon agenda.
Mon premier rendez-vous fut la rencontre avec Muriel Cayet une artiste peintre, qui me fit prendre conscience que rien ne m’empêchait de ressortir ma valise du placard, sinon moi-même. En 2004, j’ai commencé à travailler avec elle et alors que je n’avais jamais osé m’exprimer sur une toile, j’ai découvert la peinture autre forme artistique. J’ai participé ensuite à des stages puis à des expositions collectives. La peinture prenait de plus en plus de place dans ma vie. J’aimais ses odeurs, ses pigments, ses tons chauds, froids, ses couleurs dont les noms éveillaient mon imagination : alizarine, bleu de Prusse, bleu outre mer, bleu royal, noir de mars, jaune indien, jaune de Naples, terre de Sienne Brûlée, garance, turquoise, émeraude …
Mon second rendez-vous fut la rencontre avec une personne qui me fit confiance et me proposa d’exposer dans l’une des agences de voyage dont elle s’occupait. Nous étions fin 2006 et je faisais ma première exposition personnelle.
Mon troisième rendez-vous eut lieu avec mon employeur lorsqu’il m’annonça que mon poste était supprimé. Les nouvelles places offertes ne m’encourageaient guère à poursuivre. Et surtout j’avais été rattrapée par « mes vieux démons ». Je m’étais enfin décidée à ouvrir le placard et à ressortir la valise ! Je n’avais plus qu’une envie : peindre, écrire, lire et apprendre encore ! Je quittai l’entreprise fin 2007 après des années consacrées au « vrai métier » comme l’entendaient mes parents.
Depuis je vis avec mes pinceaux et mes crayons. J’ai retrouvé l’odeur des livres et mes vieux amis d’autrefois, ces petites voix qui me trottaient dans la tête et qui m’accompagnaient jusqu’à tard le soir dans mon lit et que je retrouvais au réveil le matin.
2008 a été une année d’expositions. Je me suis lancée sur les routes de France entre Nantes, Paris et le Berry.
2009, est plus consacré à l’étude le besoin de créer mais aussi celui de chercher. Aller toujours plus loin. Apprendre…Découvrir…A suivre…