Voici maintenant plusieurs années que je me suis aventurée dans l’univers de la peinture. Jusqu’à présent je pensais peindre par besoin, sans vraiment chercher pourquoi. Pour moi ma peinture était instinctive et ne prêtait pas à de grands discours. Bref, je n’avais pas de véritable démarche artistique.
Ces quelques années de pratique et d’expositions m’ont amenées à m’interroger sur ce qui me pousse ainsi à sortir régulièrement mes pinceaux et les châssis. J’ai repris la plupart de mes toiles et j’ai remarqué certains thèmes récurrents : l’eau, la mer, les voyages, la maison, le village, la ville, le bateau… Ce sont les thèmes de mon enfance, mais aussi ceux qui me font grandir et avancer. Ils sont les clés qui m’ouvrent les portes de mon cheminement intérieur et de ma création. Le temps et l’espace sont omniprésents, en « toile de fond ». A travers mes souvenirs d’enfance, mes expériences de fille, de femme et de mère j’essaie de tracer à mon tour un sillon sur cette terre. Ma peinture est bien sûr instinctive et spontanée mais au hasard se mêle un désir d’intention. Après le « lâcher prise » qui crée les formes et les couleurs, nait la recherche et la réflexion. Qu’est-ce que la toile cherche à me dire ? Un tableau comme Réminiscence représente ce temps qui passe. A la ville moderne se mêlent les esquisses d’une église, symbole d’une autre époque, des portes s’ouvrent sur un ailleurs tandis qu’une tour Eiffel défie ceux-là même qui avaient prophétisé sa fin. Tout comme l’explorateur qui va marquer de son empreinte la terre vierge qu’il découvre, je cherche dans la peinture cette emprise sur le temps. Peindre me donne la sensation de le ralentir, de le maîtriser, ne serait-ce que quelques heures. La vie est faite de voyages, qu’ils soient spirituels ou réels. Avec la peinture, tout devient langage. L’eau, la mer, l’exotisme, c’est l’inconnu mais aussi le départ, celui qui va permettre de franchir un nouveau cap. Le bateau, le pont, sont les moyens qui servent de transit. L’eau est la promesse du changement. C’est de là que tout arrive. Elle est la matrice qui renferme le germe de toute création. La mer est source de vie mais elle est aussi danger, elle est la puissance destructrice avant la renaissance. L’homme, seul face à une mer en furie en sort transformé ou sombre dans ses abîmes.
Entre chaque étape, un port, une ville, un village, une maison. C’est le retour à la terre, à la stabilité. Cette terre qui est le symbole de la maternité, devient l’abri nourricier et protecteur, « le calme après la tempête », celui auquel aspire le voyageur qui rentre au pays. Mais quel monde va t’il retrouver ? Que cachent ces volets et ces portes closes, enfouies dans la végétation, symbole de la prise du temps sur l’homme. Après la découverte du voyage voici celle du retour. L’homme est en quête perpétuelle toujours insatisfait, aspirant sans cesse à ne pas s’abîmer dans la spirale infernale du temps.